mardi 26 mai 2015

Semaine De Folie

Lundi
Je suis fatiguée aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi, j’ai le goût à rien, ça ira mieux demain ! J'ai faim.

Mardi
Le temps est lui aussi incertain. La pluie et le soleil s'amusent à se croiser. Ils se disputent le ciel. Je serais seule à la manche aujourd'hui, juste avec toutes ces paroles, ces mots qui se heurtent. Je pense. Marcel pense que je pense trop. Ma vie va toujours dans le trop pour les autres, alors que je n'ai rien.

Mercredi
Si je fais plus de 8 euros, je pourrai aller en Allemagne acheter du tabac. Si je fais plus je pourrais prendre le bus. Si je fais plus, … !.
La vie pèse plus lourd que mon sac. J'ai marché. Je suis épuisée, j'ai faim.

Jeudi
Je suis fatiguée aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi, j’ai le goût à rien, ça ira mieux demain !
Chassée par deux types qui veulent mon point de manche pour y placer leur nana. Je vais chercher quatre gars pour le récupérer. Pas besoin de parler. Deux regardent les mecs installés au bistrot, direct dans le regard. Les deux autres aident la nana a remballer ses affaires. Je garde son carton pour m'assoir si je fatigue plus tard.

Vendredi
Une femme m'a donné ses conseils de vie. J'ai des idées de mort plein la tête.
Il pleut, je peux cacher mes larmes.

Samedi
Chris est amoureux, alors il prend la tête à tout le monde. Avec moi, il l'a met en veilleuse. A travers cette saloperie de drogue il a quand même percuté. Ces histoires d'amour font jaillir une violence froide, aride, percutante. Juste avec les mots.

Dimanche
Rien. Le vide. J'ai faim.

Lundi
Et voilà, ça recommence.

Copine - SDF Alsace

lundi 4 mai 2015

Cette action hygiène à la gare, on témoigne un peu

Avant-hier... les jours filent, c'était déjà avant-hier et je garde des moments de cette action à la gare...  en désordre !
Lui, l'ancien à qui Anne trouve une paire de baskets à sa taille. Lui qui avait des chaussures trop petites, qui marchait sans se plaindre, il est satisfait dans sa petite barbe. Une satisfaction discrète. Et c'est discrètement qu'il a été voir un autre monsieur avec cette paire de chaussures trop petites pour lui mais à la bonne taille pour l'autre. On ne va pas gaspiller, elles sont bonnes...  
Elle, petite, petite taille, petite demande, toute en retenue. Quelques affaires et soudain, je me souviens en regardant son visage marqué que j'ai du maquillage. Un petit sac rempli de crayons et de ces choses qui font plaisir aux femmes. Elle repart avec de quoi se transformer en arc-en-ciel et un sourire que nous avons vu éclore. Un beau sourire.     
Lui, le taiseux, le solitaire, qui s'approche des vêtements les mains encore pleines de cake salé qu'il a enfourné vite fait dans sa bouche, à qui je dis "attention aux vêtements" et qui immédiatement s'emporte. Il ne part pas très loin et retourne vers ce cake, ce délice...  Donnez donc un petit sac à emporter à ce monsieur et pensez à offrir de quoi s'essuyer les mains à tous... il demande une serviette, il semble satisfait, c'est Malika qui va l'aider à s'habiller. Il part ensuite avec de quoi se changer.  Je sais qu'il est  malade "dans sa tête" comme  on dit pudiquement "à la rue" et qu'il n'a pas de soins  appropriés  ;  le fameux suivi. Il s'en sort bien en se tenant à l'écart de tout ce qui lui fait mal ;  à l'écart des hommes,  loin des paroles. Il reviendra nous voir. 
Il est maigre celui là, il a tout du chien battu ; triste. Il est sale le pauvre, ça m'est insupportable, ...   Je suis triste, il le sent et il me console : on fait  parfois à l'envers des sentiments  !  Il  est là depuis septembre, ne téléphone jamais au 115, ne rencontre aucune association ;  sauf Abribus.  Pourquoi seulement Abribus ? Pour l'écoute, parce qu'il n'y a jamais de questions, ou alors comme ici, entre deux  personnes, discrètement ; en intimité dans la foule...  Se mettre en intimité, se parler par petites touches. Il est habillé de la tête aux pieds et Corine l'a bien nourri...
Je n'en reviens pas ! Le rasta est là, bon ok, me direz-vous, ça ne vous semble pas extraordinaire, si si car il reste. Il est resté les deux heures !!!  Adopté par tous, il nous a adopté. Lui aussi ne fréquente qu'Abribus parfois. Parfois !  Il insiste c'est important. Il porte, non pardon, il portait les mêmes chaussures depuis sept ans...   Le reste pareil. On s'est salué en partant, en se faisant des gestes de la main.
Franck et Franck donnent un coup de main, l'un aux vêtements, l'autre reste à côté de Rémy qui distribue, entre autres choses, les kits hygiène très demandés … Corine est habillée avec plein de couleurs, je la regarde, tous regardent ces couleurs  et ce sourire dont elle ne se sépare jamais… Simone on l'oublie, elle est très très discrète, mais elle prend pleins de photos, mais pas que. Simone c'est une apprivoisante des gens et du vivant en général. Damien reste dans son coin. Il découvre les deux personnes de l'équipe de rue venues à notre rencontre. Ils sont venus voir, et moi je vois combien ils sont appréciés en général. Je vois des gens qui en profitent pour évoquer un souci. C'est extraordinaire. Réellement !  Car dans un autre contexte il se dit des choses  qui se se disent pas dans leur travail de maraude, faute de temps ou d'envie, de je ne sais quoi. L'ex d'Emmaus est là. Se faire virer d'une communauté ça signifie sans droit, rien, le vide administratif. Et ça fait mal. Je vois
Je vois        
des gens, des personnes,
après on se découvre un peu             
un peu et, à la prochaine, prenez soin de vous   
@MoMaitte

Le contexte ? être sans logement, sans hébergement donc sans douche, sans machine à laver ; jusque là vous visualisez ?. Après on essaye d'imaginer le "comment". Comment on fait pour prendre une douche, comment on fait pour se changer, comment on stocke ses vêtements, comment on fait pour les laver, ???  comment et non pourquoi.  Ensuite on discute tranquillement des conditions, on fait avec la réalité, avec la vérité en somme. La vérité est agréable à partager, les doutes qui l'accompagnent aussi. A bientôt

PHOTOS DE SIMONE FLUHR


















vendredi 17 avril 2015

Ce n'est pas spectaculaire

Ce n'est pas spectaculaire ... mais chaque jour nous subissons la hargne et la colère de citoyens bien ordinaires...
Dès lors qu'on se pose quelque part ils nous disent que nous "squattons" et bien sûr nous devons aller ailleurs... Ailleurs c'est la même rengaine évidement. Chaque jour la police contrôle nos papiers et régulièrement nous ordonne de circuler. Chaque jour des agressions, du bruit, de la hargne. Ce n'est pas spectaculaire mais c'est épuisant, psychologiquement et physiquement.

jeudi 26 mars 2015

Tout est connu de tous à tous les échelons

Avec le Collectif SDF Alsace nous avons réalisé un petit bilan de l'hébergement et des actions en faveur des personnes sans-abri sur le mois de février dernier.
Contrairement à ce que certain(E)s laissent entendre il ne s'agit pas de critiquer bêtement les structures mais bien de mettre en évidence les dysfonctionnements, les incohérences, l'absence de synergie, ... et le besoin d'une colonne vertébrale, d'une volonté d'améliorer l'existant par de simples ajustements.
Toutes nos actions ne visent que l'amélioration...
Force nous est de constater que nous ne faisons qu'alerter sur des situations connues de tous, à tous les échelons.
Force nous est de constater également, que nous sommes plus rassembleur, plus dans l'unité que ces gens bien campés dans leur position et qui depuis 30 ans pour la plupart ne sont pas capables de créer une dynamique, d'être une force de propositions. A cela je peux ajouter une autre critique qui est de participer à cette idée que les gens sont "assistés" affaiblissant toujours plus l'esprit de "solidarité".
Ce document qui a déjà circulé dans quelques services, nous est de plus en plus demandé. Lors d'un RDV dans une institution, en compagnie de Malika, nous avons reçus, à notre surprise, des compliments. En effet, il semblerait que certains bilans fournis par les professionnels soient très succincts, d'autres n'en font carrément pas.
Le fonctionnement de ces institutions, des services et de certaines associations est tristement identique. Le laxisme règne, l'indifférence, le hors sol. Ceux et celles qui se battent sont montrés du doigt, maltraités. La parole des travailleurs sociaux est muselée.
Mais ne sentez-vous pas ce petit vent, cette légère brise qui nous arrive de gens, de simples citoyens qui veulent agir, qui vont au plus près de ces femmes et de ces gens abandonnés, broyés, humiliés et trop souvent utilisés, manipulés parfois ?
A vos gamelles citoyens, à vos machines à café, à vos sourires et à vos coeurs légers et ouverts, marchons, marchons vers ce sentiment qu'ensemble nous pouvons changer la donne et que dans nos sillons refleurira l'humain.
@MoMaitte - Porte parole

le plan Pinel nouveau est arrivé

Les places ouvertes l'hiver dans le cadre du plan froid deviendraient des places pérennes... 
Certains lieux sont insalubres, sans douche, ...
De plus ce nouveau plan ne concerne comme toujours que les familles et les plus fragiles... Les isolés, comme ils disent, qui sont déjà abandonnés le resteront. 
Un mieux qui n'est en fait qu'un moyen d'arrêter les dépenses folles et inutiles en nuitées d'hôtel. Un objectif louable à première vue et qui va emballer la machine du buzz "on fait, on aide, on est solidaire"...
Mais ce plan peut-il se faire sans injecter au départ des moyens ?. Non. Il faudra donc avancer le fric et ça c'est un sérieux problème. Les associations vont se déchirer pour répondre aux appels d'offres et encore une fois seules les plus solides en terme de pognon ramasseront la mise. Pas les meilleures en terme de qualité de travail et de résultats sur l'humain.
Nous sommes à un moment ou il est indispensable de se soutenir, de créer des partenariats et d'être une force face aux pouvoirs publics.

vendredi 6 mars 2015

"tu n'as qu'à faire la manche" me dit l'assistante sociale

Faut marcher marcher marcher
T'es un sans sans un, t'es pas calculé, alors tu dois marcher, marcher…
Mon travailleur social est une nana qui fait ce job depuis trop longtemps, elle est épuisée. Mais surtout elle est déconnectée de la réalité, en fait de la mienne.
Après avoir traîné à me décrocher des rendez-vous voilà que je dois me faire la totale : cpam, caf, mairie et mission locale. Pas de ticket de tram prévu, je vais me faire la traversée de la ville dans tous les sens avec des horaires serrés à respecter. Je touche rien, je n'ai pas de revenu, je suis un jeune et je peux me débrouiller ; l'envie de tout lâcher. 

D'ailleurs de plus en plus se gênent pas pour te dire "tu n'as qu'à faire la manche" ! Comme si c'était entré dans leur tête et transformé en "revenu". A quand l'impôt sur la manche ?. Je sais bien aussi ce qu'elle pense "achète un ticket plutôt qu'une bière" ! Sauf que moi je bois pas, je fume pas non plus. Et la manche ça donne pas, ça marche pas trop avec moi. Elle sait bien que je suis comme ça, celui là, mais elle nous calcule tous pareil.
Pas la peine de lui dire, pas la peine de lui parler, elle a fait son job elle va retourner à ses occupations. L'autre gars arrivé en même temps sort du bureau de son TS, il a eut un ticket de tram pour un seul RDV. Et là, il me le donne parce que dit-il c'est plus logique. J'avais envie de l'embrasser mais entre mecs ça ne se fait pas. Je lui ai serré la main et je me suis pensé que ce gars était bien et qu'il fallait connaître la galère pour en comprendre les mécanismes, les inconvénients. Travailleur social chez certains c'est juste un job et nous rien, un dossier, des chiffres dans des colonnes. Moi, j'ai rien choisi de ma vie et j'aime bien le tram.

Vos dons nous servent mais il n'y a pas que ça

Hier René a reçu un téléphone, le dernier est allé à la plus jeune du squat, à peine 18 ans.
Elle a un contact lointain avec sa mère, mais c'est important qu'il soit maintenu.
LaMô était contente de la voir jeudi soir à Abribus. Ça fait un moment qu'elle la piste, qu'elle essaye de la faire bouger en dehors du groupe. C'est Franck qui s'est occupé d'elle, qui l'a servi et lui a tendu des tampons et des serviettes hygiéniques, … LaMô regardait sans rien dire. "Chouette, la classe, justement mes règles devraient arriver" … Et Franck avec sa façon de parler, ce ton de voix un peu sec et saccadé qui dit à cette gamine toute menue "c'est mieux quand ça arrive d'avoir ça" … Elle a prit quatre pulls… Malika semblait débordée à ce moment là, mais LaMô ne bougeait pas. Elle regarde, elle pense et plus tard elle nous fera une proposition ou posera des questions pour refaire une action ou l'améliorer. Elle est comme ça, chacun à son truc, son rôle.
Vos dons, de vêtements, de chaussures, de téléphones sont importants et nous servent… Mais vos dons de temps, ces moments que vous nous donnez en étant avec nous, sans y mettre une distance, … sont sans doute les plus importants.
Le Collectif SDF Alsace s'ouvre. Et si parfois on fait peur c'est peut-être parce que nous avons laissé notre propre peur s'installer.