jeudi 26 mars 2015

Tout est connu de tous à tous les échelons

Avec le Collectif SDF Alsace nous avons réalisé un petit bilan de l'hébergement et des actions en faveur des personnes sans-abri sur le mois de février dernier.
Contrairement à ce que certain(E)s laissent entendre il ne s'agit pas de critiquer bêtement les structures mais bien de mettre en évidence les dysfonctionnements, les incohérences, l'absence de synergie, ... et le besoin d'une colonne vertébrale, d'une volonté d'améliorer l'existant par de simples ajustements.
Toutes nos actions ne visent que l'amélioration...
Force nous est de constater que nous ne faisons qu'alerter sur des situations connues de tous, à tous les échelons.
Force nous est de constater également, que nous sommes plus rassembleur, plus dans l'unité que ces gens bien campés dans leur position et qui depuis 30 ans pour la plupart ne sont pas capables de créer une dynamique, d'être une force de propositions. A cela je peux ajouter une autre critique qui est de participer à cette idée que les gens sont "assistés" affaiblissant toujours plus l'esprit de "solidarité".
Ce document qui a déjà circulé dans quelques services, nous est de plus en plus demandé. Lors d'un RDV dans une institution, en compagnie de Malika, nous avons reçus, à notre surprise, des compliments. En effet, il semblerait que certains bilans fournis par les professionnels soient très succincts, d'autres n'en font carrément pas.
Le fonctionnement de ces institutions, des services et de certaines associations est tristement identique. Le laxisme règne, l'indifférence, le hors sol. Ceux et celles qui se battent sont montrés du doigt, maltraités. La parole des travailleurs sociaux est muselée.
Mais ne sentez-vous pas ce petit vent, cette légère brise qui nous arrive de gens, de simples citoyens qui veulent agir, qui vont au plus près de ces femmes et de ces gens abandonnés, broyés, humiliés et trop souvent utilisés, manipulés parfois ?
A vos gamelles citoyens, à vos machines à café, à vos sourires et à vos coeurs légers et ouverts, marchons, marchons vers ce sentiment qu'ensemble nous pouvons changer la donne et que dans nos sillons refleurira l'humain.
@MoMaitte - Porte parole

le plan Pinel nouveau est arrivé

Les places ouvertes l'hiver dans le cadre du plan froid deviendraient des places pérennes... 
Certains lieux sont insalubres, sans douche, ...
De plus ce nouveau plan ne concerne comme toujours que les familles et les plus fragiles... Les isolés, comme ils disent, qui sont déjà abandonnés le resteront. 
Un mieux qui n'est en fait qu'un moyen d'arrêter les dépenses folles et inutiles en nuitées d'hôtel. Un objectif louable à première vue et qui va emballer la machine du buzz "on fait, on aide, on est solidaire"...
Mais ce plan peut-il se faire sans injecter au départ des moyens ?. Non. Il faudra donc avancer le fric et ça c'est un sérieux problème. Les associations vont se déchirer pour répondre aux appels d'offres et encore une fois seules les plus solides en terme de pognon ramasseront la mise. Pas les meilleures en terme de qualité de travail et de résultats sur l'humain.
Nous sommes à un moment ou il est indispensable de se soutenir, de créer des partenariats et d'être une force face aux pouvoirs publics.

vendredi 6 mars 2015

"tu n'as qu'à faire la manche" me dit l'assistante sociale

Faut marcher marcher marcher
T'es un sans sans un, t'es pas calculé, alors tu dois marcher, marcher…
Mon travailleur social est une nana qui fait ce job depuis trop longtemps, elle est épuisée. Mais surtout elle est déconnectée de la réalité, en fait de la mienne.
Après avoir traîné à me décrocher des rendez-vous voilà que je dois me faire la totale : cpam, caf, mairie et mission locale. Pas de ticket de tram prévu, je vais me faire la traversée de la ville dans tous les sens avec des horaires serrés à respecter. Je touche rien, je n'ai pas de revenu, je suis un jeune et je peux me débrouiller ; l'envie de tout lâcher. 

D'ailleurs de plus en plus se gênent pas pour te dire "tu n'as qu'à faire la manche" ! Comme si c'était entré dans leur tête et transformé en "revenu". A quand l'impôt sur la manche ?. Je sais bien aussi ce qu'elle pense "achète un ticket plutôt qu'une bière" ! Sauf que moi je bois pas, je fume pas non plus. Et la manche ça donne pas, ça marche pas trop avec moi. Elle sait bien que je suis comme ça, celui là, mais elle nous calcule tous pareil.
Pas la peine de lui dire, pas la peine de lui parler, elle a fait son job elle va retourner à ses occupations. L'autre gars arrivé en même temps sort du bureau de son TS, il a eut un ticket de tram pour un seul RDV. Et là, il me le donne parce que dit-il c'est plus logique. J'avais envie de l'embrasser mais entre mecs ça ne se fait pas. Je lui ai serré la main et je me suis pensé que ce gars était bien et qu'il fallait connaître la galère pour en comprendre les mécanismes, les inconvénients. Travailleur social chez certains c'est juste un job et nous rien, un dossier, des chiffres dans des colonnes. Moi, j'ai rien choisi de ma vie et j'aime bien le tram.

Vos dons nous servent mais il n'y a pas que ça

Hier René a reçu un téléphone, le dernier est allé à la plus jeune du squat, à peine 18 ans.
Elle a un contact lointain avec sa mère, mais c'est important qu'il soit maintenu.
LaMô était contente de la voir jeudi soir à Abribus. Ça fait un moment qu'elle la piste, qu'elle essaye de la faire bouger en dehors du groupe. C'est Franck qui s'est occupé d'elle, qui l'a servi et lui a tendu des tampons et des serviettes hygiéniques, … LaMô regardait sans rien dire. "Chouette, la classe, justement mes règles devraient arriver" … Et Franck avec sa façon de parler, ce ton de voix un peu sec et saccadé qui dit à cette gamine toute menue "c'est mieux quand ça arrive d'avoir ça" … Elle a prit quatre pulls… Malika semblait débordée à ce moment là, mais LaMô ne bougeait pas. Elle regarde, elle pense et plus tard elle nous fera une proposition ou posera des questions pour refaire une action ou l'améliorer. Elle est comme ça, chacun à son truc, son rôle.
Vos dons, de vêtements, de chaussures, de téléphones sont importants et nous servent… Mais vos dons de temps, ces moments que vous nous donnez en étant avec nous, sans y mettre une distance, … sont sans doute les plus importants.
Le Collectif SDF Alsace s'ouvre. Et si parfois on fait peur c'est peut-être parce que nous avons laissé notre propre peur s'installer.

René a disparu, René est de retour

René a disparu.
En fait LaMô le pensait du côté de Haguenau pour un boulot promis par une nana d'une action citoyenne qui était déterminée à le "remettre dans la vie", sans se poser aucune question sur lui.
Comment après une vie, marié, père de famille, bosseur, on tombe à la rue ?
Deux ans de rue ont-ils un impact sur toi, est-ce que ça amplifie tes problèmes, … ?
Avant de le remettre au boulot n'y a t-il pas d'autres choses à régler ?
Des questions que nous au Collectif nous ne posons pas ; on se raconte par bribe, on se découvre, on prend le temps. On sait que nos parcours ont rencontré une faille.
René avait disparu et a passé une semaine à boire en mauvaise compagnie.
Il faut tout reprendre comme si de rien. Se retrouver sans heurter, comme si de rien. Ne pas juger, ne pas s'imaginer des trucs, rester calme, dépasser ses envies de râler, de gueuler, … le secouer quand même un peu.
Et puis, il faut lui redonner un téléphone, des fringues, … car il a tout "perdu" … On en pense pas moins !
On a bien lu dans les yeux de LaMô ce "merde" qu'elle pense et qui est l'entame de tout ce qu'elle pense à chaque fois que l'on recule, qu'on replonge, … A chaque fois qu'une personne sans mauvaise intention mais loin de notre réalité, vient nous bousculer, nous violenter en voulant le mieux.
Tu n'aides pas quelqu'un en lui imposant tes idées, tes critères, ni surtout tes certitudes. Tu n'aides pas quelqu'un si tu n'as pas le respect, ce respect qui te donnes la patience et qui t'offre le temps de faire un pas, celui qui te fait accepter les reculs, les erreurs, …
René est de retour c'est l'essentiel.